Si la Musique participe du rythme essentiel de l’être, la pensée l’accompagne nécessairement.
C’est à la façon d’une lanterne qui, réfléchissant sa lumière de tous côtés quand le soir apparaît, se donne sensiblement, que la Musique opère en nous. D’où il vient que l’absence de sons, soit le silence, fasse figure édifiante à bien des égards. Le silence permet que l’on retire de notre intériorité tout ce qui est superflu ; sa concentration subséquente, nous l’apprécions, et il semble que l’on contemple comme la face méontique de l’Être à laquelle nous sommes attachés. Mais le silence ne doit pas être opposé à la Musique, en ce que la Musique, en tant qu’elle possède son harmonie réfléchissante, nous fond dans une concentration particulière de pensées, quand elle est agréable. Le sentiment de l’agréable vient de ce que nous soyons accordés à l’objet qui se donne pour nous ; c’est d’une harmonie spécifique, réquisit de son existence, que l’agréable circule en nous.
L’amour est le sentiment qui peut être attaché de façon conséquente au sentiment de l’agréable. Ce qui est l’amour pour cette chose, je ne saurais l’expliquer qu’en décrivant que cette chose m’est agréable en soi, et, qu’en cela, je laisse mon être s’épancher dans cette chose ; je la reçois splendidement, et c’est à cause de cette vertu qu’a la chose que je ressens de l’amour, c’est-à-dire un sentiment pur par lequel toute ma direction est changée. L’agréable peut se muer en extase lorsque la chose pour laquelle je ressens de l’amour m’est donnée, en sorte qu’une présence m’augmente. Soit que la chose me soit donnée purement, soit que la chose partage l’amour que j’ai pour elle ; alors, le point d’orgue est dans l’échange de deux esprits, de deux corps, dans une espèce de lumière intense et constante. Ce dévoilement de la nudité de l’être, cachée auparavant sous les attitudes prises à l’égard des autres, renvoie l’esprit à sa nécessité d’être. Non que l’esprit soit transmué, bien plutôt il sait ce qu’il est ; il se saisit, il se sent, et c’est comme prêt à s’affronter qu’il se donne pour l’autre, sans défense toutefois. Nous ne savons plus rien que notre intensité à ce moment, et c’est de cette façon qu’extatiquement se donnent des sensations agréables, portées à leur empyrée.
« Si
tu veux nous nous aimerons
Avec tes lèvres sans le dire
Cette
rose ne l’interromps
Qu’à verser un silence pire
Jamais
de chants ne lancent prompts
Le scintillement du sourire
Si
tu veux nous nous aimerons
Avec tes lèvres sans le dire
Muet
muet entre les ronds
Sylphe dans la pourpre d’empire
Un
baiser flambant se déchire
Jusqu’aux pointes des ailerons
Si
tu veux nous nous aimerons 1 »
1 S. Mallarmé, Poésies.
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